Un havre de mots au cœur du Puy-de-Dôme
Perché à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand, dans le charmant village de Saint-Beauzire, se cache un lieu singulier, presque irréel. Le Calypso. Ce nom évoque autant les profondeurs mythologiques que les rythmes antillais. Mais ici, au creux de l’Auvergne littéraire, le Calypso est un phare pour les amoureux des mots. Un bistrot-librairie, un salon de lecture, une scène improvisée — un lieu qui résiste à l’uniformisation des espaces culturels classiques. On y entre comme dans un grenier rempli de trésors, où chaque recoin est une promesse d’évasion.
Pourquoi ce lieu détonne-t-il dans le paysage littéraire français ? Par son authenticité farouche, sa programmation éclectique, et le savant mélange entre convivialité et exigence littéraire. Allons découvrir ce Calypso de papier et de passion.
Une librairie pas comme les autres
Dès que l’on pousse la porte du Calypso, un parfum familier vous accueille — un mélange de vieux livres, de café chaud et de planches de bois cirées. Ici, pas de rayonnages standardisés ou d’automatismes numériques. Chaque livre a été sélectionné, parfois sur un coup de cœur, souvent après d’interminables discussions passionnées entre les membres de l’équipe. On ne vend pas un roman au Calypso, on le recommande avec les yeux qui pétillent.
La sélection ? Audacieuse. Des maisons d’édition indépendantes, des auteurs locaux injustement méconnus, des essais engagés, et bien sûr, quelques classiques toujours revisités. Il n’est pas rare de tomber sur une édition reliée de « Jules Vallès » voisine d’un recueil d’afro-futurisme contemporain. Si vous êtes du genre à errer entre deux étagères à la recherche de LA révélation littéraire, cet endroit va devenir votre refuge.
Un café littéraire à l’accent poétique
Mais le Calypso, ce n’est pas qu’une librairie. C’est un espace hybride, mi-bistrot, mi-salon littéraire, où l’on peut siroter une infusion bio en bouquinant ou refaire le monde autour d’un verre de vin nature. Le mobilier, éclectique, donne l’impression d’un salon de grand-mère un peu bohème : fauteuils vieillots et moelleux, tables bancales pleines de charme, et des guirlandes lumineuses suspendues comme des constellations entre les livres.
Chaque vendredi soir, les lectures à voix haute prennent possession des lieux. Lecteurs amateurs, comédiens en herbe et auteurs en résidence s’y succèdent. On y a récemment entendu un extrait poignant de Lola Lafon, lu par une retraitée aux allures de muse punk, ou encore une chronique décoiffante sur les méfaits du capitalisme tirée d’un fanzine local. L’émotion est souvent au rendez-vous, les rires aussi.
Rencontre avec ceux qui font vivre le Calypso
Derrière ce lieu foisonnant se cache une petite équipe de passionnés qui cultivent leur différence avec fierté. À commencer par Mireille, l’énergique fondatrice, ancienne prof de lettres tombée amoureuse d’un vieux corps de ferme et de l’idée qu’un village pouvait devenir une capitale miniature de la littérature. Elle est intarissable sur les micro-éditeurs belges et possède une anecdote délicieuse sur presque tous les livres en rayon. Son compagnon, Arnaud, s’occupe de la programmation musicale et poétique, et a une préférence assumée pour les morceaux de jazz brut et les textes de René Char.
Les habitués vous diront que c’est cet esprit de famille, de tribu littéraire un peu réfractaire mais résolument moderne, qui fait toute la différence. Quand on parle de communauté littéraire, ici, ce n’est pas un concept marketing : c’est une réalité vécue, partagée, construite chaque jour avec authenticité.
Un agenda culturel dense et effervescent
Si vous pensez que l’activité culturelle des petits villages s’épuise aux expositions de peintres locaux, détrompez-vous. Le Calypso déploie une programmation digne des plus grandes scènes alternatives :
- Lectures croisées d’auteurs contemporains tous les premiers jeudis du mois
- Ateliers d’écriture ouverts à tous (oui, même à ceux qui jurent ne pas savoir aligner trois phrases !)
- Rencontres avec des éditeurs artisanaux, souvent accompagnées de dégustation de produits du terroir
- Soirées « mots et musiques » entre slam, jazz et récits de voyage
- Mini-festival annuel « Pages ouvertes », où le village tout entier se transforme en livre à ciel ouvert
Ici, la littérature se conjugue au présent, au pluriel, et sans complexe. On y parle roman graphique aussi bien que philosophie politique, littérature jeunesse ou haïkus japonais, toujours avec la même curiosité bienveillante et le goût du partage.
Un modèle d’ancrage local et de rayonnement national
Vous pensiez que seuls les grands centres urbains pouvaient être les foyers de l’intelligence collective ? Le Calypso prouve le contraire. Saint-Beauzire a beau compter à peine plus de 1 000 habitants, il rayonne bien au-delà du Puy-de-Dôme. Plusieurs auteurs en résidence dans ce lieu parlent d’un « écrin de liberté » qui leur permet de renouer avec une écriture sincère et décomplexée. De nombreux journalistes culturels, venus parfois incognito, ont aussi relayé dans la presse nationale l’expérience Calypso comme un modèle inspirant à l’heure où bon nombre de librairies indépendantes luttent pour survivre.
Le secret de cette réussite ? Une économie de l’autonomie, une gouvernance horizontale, et surtout, une vision profondément humaine de la littérature : non pas réservée à une élite, mais offerte à tous, dans toute sa diversité. On partage, on lit, on débat, parfois on s’engueule un peu, mais toujours avec le respect du verbe et de l’autre.
Infos pratiques et conseils de lecture
Envie de pousser la porte du Calypso lors d’un passage en Auvergne ? Voici quelques informations qui vous seront utiles :
- Adresse : 4 rue des Églantiers, 63360 Saint-Beauzire
- Horaires : Du mercredi au dimanche, de 10h à 19h30 (fermé le lundi et mardi)
- Accès : 20 minutes en voiture depuis Clermont-Ferrand, un parking est disponible à proximité. Possibilité de venir en bus local (ligne 26, arrêt « Bourg »).
En guise de clin d’œil, l’équipe publie chaque mois ses « coups de cœur en cascade ». Si vous passez les voir, on vous recommandera sans doute :
- « Par les routes » de Sylvain Prudhomme – l’exil intérieur magnifiquement narré
- « Le chant des plaines » de Kent Haruf – un roman sobre et bouleversant
- « Rivage de la colère » de Caroline Laurent – une fresque historique à la puissance politique et romanesque
- Un ouvrage local : « L’Auvergne buissonnière » de Jean-Baptiste Fargier – entre récit de voyage et manifeste écologique
Derniers mots avant la page suivante
Le Calypso de Saint-Beauzire, c’est bien plus qu’un lieu. C’est un souffle littéraire, un microcosme d’idées, une parenthèse enchantée au milieu des volcans endormis. Ici, les livres ne dorment jamais, les lecteurs s’éveillent, et la littérature se vit au quotidien, sans masque ni apparat. Il y a quelque chose de magique à découvrir un tel endroit, presque comme si on tombait sur un passage secret d’un roman d’aventure. Soyez curieux, poussez la porte, écoutez les pages murmurer. Vous ne repartirez pas tout à fait le même.